
Fabrication de sagaie
Une sagaie est constituée d’un fut, d’une pointe, d’une cupule à l’arrière où se logera le crochet du propulseur, de plumes qui constituent l’empennage.
LES FÛTS
Pour le fut des sagaies, des espèces végétales qui poussent bien droit sans trop de nœud : noisetier, saule, frêne, cornouiller, églantier … que l’on affine et redresse. Des tourillons de pin ou sapin … que l’on trouve dans des magasins de bricolage en deux mètres diamètre 12 mm, en les choisissant droit fil. Ces matériaux sont lourds et très souples. On peut les couper en trois ou quatre tronçons et les rabouter en biseaux ligaturés. On obtient des sagaies plus rigides se redressant plus vite en vol.

Si on regarde une photo d’un tireur en extension on peut voir cette flexion qui va jusqu’à l’arc de cercle. Pour les cibles proches, avec une trop grande souplesse la sagaie n’a pas le temps de se redresser et va rater la cible.
Nous avons retrouvé, du Magdalénien, des tiges droites en bois de renne de 30 à 40 centimètres de long, comportant des biseaux simples, opposés sur les deux extrémités de ces tiges. Les préhistoriques on du en fabriquer en bois et constituer des sagaies composites. Mais on peut utiliser du bambou japonais ( Pseudosasa japonica ) ou bambou à flèches, qui contrairement aux autre bambous on un diamètre assez régulier et comportent des nœuds dans le prolongement des entrenœuds. On trouve aussi des tuteurs dans les jardineries qui sont en Pseudosasa, ils viennent souvent d’Asie et sont plus denses, plus lourds que du Pseudosasa européen. Une autre espèce est comparable, avec des diamètres un peu plus gros pour un même poids, c’est la canne de Provence ( Arundo donax ) que l’on ne trouve qu’en Europe du sud.
L’avantage du Pseudosasa ou de l’Arundo c’est leur légèreté, leur rigidité et leur solidité. Il est très rare de casser un bambou ou une canne en tirant. Ce type de fut n’était pas accessible pour nos ancêtres du Paléolithique. Le bambou ou la canne se récoltent en hiver. Les tiges sont en pleine sève, vont se flétrir au séchage et seront cassantes. Il faut les choisir les plus droites possibles avec un diamètre assez régulier sur la longueur, d’au moins deux mètres. Si elles sont courbes, on pourra les redresser, si elles forment des angles, ce sera difficile d’obtenir un fut droit. Les tiges en séchant perdent du diamètre et il faut en tenir compte. Un fut de bambou sec à sa base mesure environ 12 mm, un fut de canne sec environ 15 mm.
La canne de Provence ne se récolte pas sur un sol salain car elle est très cassante, ni dans des secteurs trop venteux car trop tordue, ni dans des milieux très humides, car trop grosse. La meilleure canne pousse dans des terrains secs, sols superficiels, secteur non venteux. La canne produira des futs droits, fins, rigides, légers et non cassants. Le bambou ou la canne se coupent au sécateur à ras du sol après avoir demandé au propriétaire son autorisation. On supprime ensuite l’extrémité trop fine et parfois la base qui est soit trop grosse ou coudée. Un séchage lent produira des futs de couleur jaune en 6 mois. Un séchage rapide au dessus d’un radiateur produira des futs vert pâle en une semaine qui tourneront au jaune à la lumière et sous l’action de la chaleur.
Ces futs secs devront être redressés soit au chalumeau ou mieux au décapeur thermique. Il faut sélectionner ceux qui nous paraissent les meilleurs, pour en standardiser trois et constituer trois sagaies similaires pour en avoir en secours lors de casse et effectuer trois tirs à la suite lors des entrainements. On coupe les pointes trop fines ou les bases trop grosses avec une scie à métaux car au sécateur un fut sec éclate. On laisse toujours un centimètre après le nœud pour le côté fin et si possible cinq centimètres pour le côté gros. Lorsqu’ils sont à la même longueur on peu les peser. On aura des poids de 60 g à 130 g pour des longueurs de 180 cm à 200 ou 210 cm pour obtenir des sagaies de 2 m à 2, 30 m. Le poids pour une même longueur et même diamètre permet de vérifier la densité et donc évaluer la souplesse du fut ( spine ). Avant de redresser ces futs il faut passer du papier de verre sur chaque nœud dans le but d’enlever le reste de feuille pour obtenir un fut lisse, qui n’accrochera pas au niveau des nœuds.
Pour redresser un fut, on le mire sur sa longueur, on repère les courbures et on chauffe chaque défaut puis on redresse. Dès que le fut s’assombrit la chauffe est maximum. En redressant la courbure il faut l’inverser légèrement puis lâcher pour que le fut se stabilise droit. On redresse chaque entrenœud, puis chaque nœud si nécessaire. On attend que tout refroidisse, on mire à nouveau et on recommence pour rectifier les imperfections.
LA CUPULE
La cupule peut être constituée de la terminaison du fut dans la partie fine si elle n’est pas trop fine. Dans ce cas on ponce les angles intérieurs et extérieurs de la cupule naturelle. Il est conseillé de renforcer cette cupule avec une ligature. Soit des tendons et colle de tendons, soit plus simple de la filasse de lin qui sert pour la plomberie et de la colle à bois acrylique extérieur. Pour le championnat les colles de synthèse sont autorisées pour permettre à tout le monde de se fabriquer du matériel. On passe un coup de papier de verre en tournant autour de la cupule jusqu’au nœud, on dépose de la colle on enroule la filasse sur trois tours, on rajoute de la colle, on continue quelques tours on coupe en biais pour ne pas faire une marche on lisse bien en rassemblant les fils.

Si la terminaison du fut est trop fine il faut y rajouter un insert. Soit un morceau de bambou de la base qui va s’emboiter sur cette terminaison qu’il faudra tout de même ligaturer, soit un bois dur végétal ou animal ( chevreuil, renne, cerf, de la corne ) dans lequel on forme un cylindre qui viendra aussi s’adapter à l’extrémité. Il faudra percer ce cylindre au diamètre du fut, le poncer, l’adapter sur le fut et le coller. Si la cupule est un peu profonde ou irrégulière dans le fond pour recevoir le crochet du propulseur il faut rajouter au fond de la colle époxy rapide ou colle à bois..
LA POINTE
La pointe peut être fixée directement sur le fut, être longue ou courte ou fixée sur un avant-fut qui sera lui même fixé sur le fut. Des pointes en silex vont casser parfois même dans la cible. Des pointes en bois dur végétal ou mieux en bois de cerf ou bois de renne sont à conseiller. Le bois animal ne va pas trop se fendre sous l’impact d’une pierre et plutôt s’écraser un peu ce qui est réparable rapidement. Pour décider de la longueur de la pointe ou de l’avant-fut il faut choisir la longueur de ses sagaies.

Si votre fut mesure déjà 2,20 mètres ou plus, vous pouvez décider de ne rajouter qu’une pointe courte. Si vous tendez votre bras vers le haut, cette longueur correspond à la longueur envisageable de votre sagaie. Elle peut être plus longue ou plus courte et mieux vous convenir. Mais cette façon de mesurer donne un ordre d’idée. La longueur idéale de la sagaie est conditionnée par la force du tireur, sa taille, la longueur de son propulseur, la densité du fut, la longueur du fut, le matériau constituant le fut, la répartition de la masse de la sagaie. Pour un même matériau, plus le fut est dense plus il sera rigide et lourd, plus le fut est long plus il sera souple. Un tireur puissant devra avoir des sagaies plus rigides. Vous tiendrez compte de chacun de ces paramètres avec l’expérience. A savoir que aujourd’hui vous avez besoin de tel matériel, avec la pratique, le corps change, s’adapte à la discipline et le matériel devra aussi évoluer.
L’avant-fut doit être du diamètre du fut en bois souple et solide. L’orme, le frêne, le robinier en bois de cœur, le bambou… tous les bois d’arc sont parfaits sauf l’if qui est trop cassant. La jonction en biseau me paraît la meilleure pour l’avant fut. Pour former le biseau sur le fut en bambou l’idéal est de disposer d’une ponceuse à bande qui retournée sur un étau fera office de table de ponçage sur laquelle on pose l’extrémité du fut à biseauter en respectant un angle d’environ 30 degrés. C’est là que l’on voit l’utilité d’avoir laissé 5 centimètres après le nœud pour former le biseau. Rapidement le biseau est terminé. On recommence la même opération avec l’avant-fut, puis on le positionne biseau contre biseau sur le fut. En mirant la sagaie et l’avant-fut dans leur prolongement, les biseaux sur champ, on vérifie l’alignement du fut et de l’avant-fut. S’ils forment un angle il faut poncer à nouveau l’avant fut en diminuant ou en augmentant l’angle pour obtenir un alignement parfait. Sur l’avant fut vient se fixer la pointe que l’on adapte soit en biseau, soit on la fait d’un diamètre plus gros que l’avant fut, on la perce au diamètre de l’avant fut et on l’emboite. C’est une méthode rapide et efficace qui permettra lors de l’impact sur la cible de faire que la pointe ouvrira une voie et le reste de la sagaie passera sans coincer.
Vous pouvez adapter une pointe à perforation directement sur le fut ou y adapter un pointe longue en bois dur assemblée en biseau. Les plats des biseaux doivent être striés de quadrillages losangiques pour une meilleure adhérence de la colle. Les préhistoriques en faisaient de même. Le bambou ou la canne étant creux il faut boucher ce creux avec du papier, de la peau, du bois … pour que l’époxy ne remplisse pas la cavité. On effectue notre mélange de colle on l’applique sur les deux biseaux à assembler, on maintient avec du ruban adhésif, on vérifie l’alignement, on réajuste si nécessaire. Les collages en biseau nécessitent une ligature qui devra être peu épaisse pour ne pas coincer lors de le pénétration dans la cible.
L’EMPENNAGE
Il sert à freiner l’arrière de la sagaie pour que l’avant aille plus vite et que la sagaie se redresse en vol si elle est lancée de travers. Il est d’ailleurs utile d’essayer de lancer des sagaies non empennées pour constater les erreurs de mouvement, de poussée. L’empennage peut être constitué de bandes de cuir, lanières pendantes, pompons de poils, bande de fourrure etc. Les plumes sont les plus performantes. On peu coller une grande plume entière, deux grandes plumes entières qui prennent le fut en sandwich, mais ce type d’empennage ne guide la sagaie que sur un axe. Le plus performant est de coller trois demi grandes plumes.

On peu récupérer des plumes de dindes. Il est interdit d’utiliser des plumes de grands oiseaux sauvages qui sont tous protégés sous peine d’une sévère amande. Il est plus simple d’acheter des plumes dites entières dans un magasin d’archerie. Avant de coller les plumes, il faut déterminer où se positionnera la plume coq, la plume qui se retrouvera à la verticale, vers le haut. Pour ce faire on pose sa sagaie pointe et cupule terminées sur l’extrémité de son index sur le point d’équilibre de la sagaie. Il se trouve environ au 1/3 avant, 2/3 arrière de votre sagaie. La sagaie va tourner et se placer toute seule en bonne position. Il faudra de temps en temps refaire cette expérience pour vérifier le positionnement de votre plume coq qui peut changer. Cette courbure se retrouve vers le haut, c’est sur cet axe que l’on colle la plume coq, c’est dans cette position que l’on placera la sagaie sur le propulseur. On repère par un trait de crayon cet axe à 3 ou 4 centimètres de l’extrémité de la sagaie. Il faut ensuite tracer les repères des deux autres plumes. L’objectif étant qu’elles soient équidistantes.
On a marqué les trois fins de plumes, il faut aussi marquer les débuts de plumes. Choisir trois belles plumes, les couper à la même longueur, souvent dans la partie la plus fine. Puis on mesure la longueur qui est d’environ 24 centimètres et on trace sur le fut les trois autre repères à la longueur voulue. Entre chaque repère, sur les zones à coller, on gratte avec la lame d’un couteau le vernis naturel de la canne ou du bambou. Il faut ensuite couper à ras du rachis, à l’avant et à l’arrière 5 à 7 millimètres de soie pour pouvoir ligaturer ces plumes.
Le collage se fait à la cyanoacrylate tout le long du rachis, puis on applique la plume en commençant par le début de la plume, côté pointe de sagaie. Il faudra tailler ces plumes. Un empennage entier va trop freiner la sagaie. Vous pouvez choisir des formes: banane, parabolique, shield ou d’autres profils. Pour couper correctement la main de ciseaux doit être posée sur la table où repose la sagaie et après avoir pris des repères on coupe de l’arrière vers l’avant en faisant glisser la main sur la table, la sagaie ne doit pas bouger.
C’est en lançant ses sagaies sur les longues cibles que l’on peu vérifier si elles freinent trop. Si en tirant on entend un sifflement, c’est qu’il faut couper encore vos plumes. Si la sagaie est silencieuse, il y a peut être encore trop de voilure, mais cela reste à l’appréciation de chacun si on coupe trop, l’empennage ne jouera plus son rôle.
B.B